Dans le cadre de nos publications, et notamment de notre newsletter #4 pour cette 5ème semaine consécutive de confinement, nous nous sommes particulièrement interrogés sur les chiffres alarmants et nombreux communiqués indiquant une hausse très inquiétante des violences commises à la maison.
En France, une victime de violences qui signale des faits de violence peut bénéficier de nombreuses mesures de protection de la part des institutions publiques et des associations.
Dans ce contexte de confinement, quels sont les impacts au quotidien dans les familles concernées par ces drames ? Les victimes, enfermées avec leur bourreau, sont-elles réellement en capacité de s’extraire de ce contexte pour se livrer auprès de personnes relais ? D’ailleurs qui sont ces professionnels et acteurs associatifs ?
Rencontre avec l’équipe du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles d’Arras. Cette équipe de juristes et psychologues, du a bien voulu nous répondre et nous communiquer de très précieux éléments.
Poser des mots sur la question des violences conjugales et familiales dans cette période de recrudescence significative, un impératif !
Pauline, Juriste :
« En cette période de confinement, nous nous mettons quotidiennement à jour sur les nouvelles actualités juridiques, les méthodes et solutions d’urgence proposées par le gouvernement pour les femmes victimes. »
« Depuis le début du confinement : les appels des femmes victimes se font plutôt rares.
Les appels que nous avons eu concernent principalement des femmes qui ont pu quitter le domicile, être hébergées en urgence chez une personne de confiance (voisin, famille).
En fonction des situations, les victimes ne sont jamais au même stade. Pour certaines : il s’agit du premier appel : notre travail consiste en l’écoute, à caractériser les formes de violences et rappeler qu’elles sont toutes punies puis, d’aborder les premiers recours.
Pour d’autres femmes, les violences sont déjà bien installées (beaucoup d’appels concernent des violences psychologiques, du harcèlement moral), la prise de conscience s’est déjà opérée et elles souhaitent obtenir des réponses concrètes et une orientation ciblée dans leurs démarches. Un point est fait sur toutes les possibilités juridiques, mécanismes dont peut disposer la victime. Un point sur l’hébergement est aussi fait. Et en fonction, nous nous mettons en contact avec les partenaires associatifs, travailleurs sociaux, médiateurs, médecins, bridages de police, professionnels du droit… pour qu’il y ait un relai ou un travail de réseau.
D’autres problématiques viennent se greffer aux violences ou même ressortent comme thématiques indépendantes des violences : la garde des enfants, la continuité des droits de visites et d’hébergements, tout cela dans un climat de tension généré par le contexte inédit lié au coronavirus.
En cette période de confinement, nous nous mettons quotidiennement à jour sur les nouvelles actualités juridiques, les méthodes et solutions d’urgence proposées par le gouvernement pour les femmes victimes.
La plupart des professionnels continuent leur travail par mail et par entretien téléphonique ce qui permet de ne pas rompre le contact avec les victimes déjà suivies et de communiquer sur notre mise à disposition pour les personnes qui ne nous connaissent pas encore. »
Aurélia, Juriste
« Il est délicat de maintenir un contact avec elle … étant donné le risque important que l’auteur des violences soit présent …, nos missions sont compliquées à exercer. »
« Mon ressenti est le suivant : c’est que c’est une période très compliquée pour les victimes de violences conjugales et pour la continuité de nos services auprès d’elles.
Il est délicat de maintenir un contact avec elle que ce soit par téléphone ou par mail étant donné le risque important que l’auteur des violences soit présent du fait du confinement, que ce soit d’un point de vue juridique ou psychologique, nos missions sont compliquées à exercer.
Après des solutions ont été mises en place pour les aider au mieux notamment en maintenant notre disponibilité, avec les numéros d’urgence (17, 114…) ou la possibilité de demander de l’aide via les pharmacies. Par ailleurs, il y a toujours la possibilité de réaliser un dépôt de plainte et aussi la possibilité de faire appel à un avocat pour saisir un juge d’une ordonnance de protection. »
Pauline, Psychologue
S’exprimer ouvertement à une personne inconnue, même professionnelle, peut être délicat, (…) Il est essentiel malgré tout de maintenir le dialogue.
« Dans les violences conjugales et familiales, il est central d’aborder le phénomène d’emprise psychologique, favorisant le maintien d’une relation toxique et dangereuse. Alors que ce phénomène d’emprise se décrit souvent comme un enfermement psychique, la période actuelle de confinement est une double peine, un double enfermement pour les victimes de violences conjugales cohabitant avec leur agresseur. Il peut être d’autant plus difficile d’échapper aux stratégies d’isolement, de contrôle et de culpabilisation de la part de l’autre, se décentrer de ce vécu douloureux est bien plus compliqué.
Le travail avec une victime porte principalement sur l’ouverture au monde extérieur, sur la reprise de lien social, sur la mise en place d’activités permettant « d’aérer » l’esprit pour reprendre possession de son identité personnelle, reprendre confiance en soi et émettre une pensée critique sur les violences subies. Actuellement, nombre des personnes suivies ayant jusqu’alors une évolution plus que positive se retrouvent dans une situation cristallisée. Beaucoup nous rapportent de la frustration à l’encontre de la situation, un sentiment d’impuissance avec la visualisation de projets qui se doivent d’être remis à plus tard : démarches judiciaires, familiales, professionnelles, déménagement, etc.
Le maintien du contact dans le respect de la sécurité de la personne peut être délicat (difficulté à s’isoler, enfants en bas âge, famille autour…) voire impossible pour les personnes cohabitant avec l’auteur de violences. Pour certaines, des stratégies peuvent subsister : s’isoler dans une pièce, dans la voiture, essayer de communiquer par écrit ; avec la peur, la pression de ne pas pouvoir exprimer pleinement ce qu’elles voudraient de peur des conséquences. La pression est un sentiment relaté par beaucoup de victimes : avec la proximité, les émotions négatives, les violences montent en flèche, et pourtant est apparue pour certaines l’impression que le temps s’arrête, se fige.
De plus, il est parfois très difficile de mettre en place de nouveaux suivis psychologiques, pourtant essentiels dans le parcours de sortie d’une personne victime de violences conjugales. S’exprimer ouvertement à une personne inconnue, même professionnelle, peut être délicat, et la prise de contact à distance ne permet pas forcément que se jouent certains mécanismes relationnels permettant la mise en confiance et la libération complète de la parole, pourtant si nécessaire pour prendre conscience, dénoncer et ne plus accepter. Il est essentiel malgré tout de maintenir le dialogue.
La vie ne s’arrête pas. De nouvelles personnes font le premier pas malgré les difficultés, car ce confinement est aussi pour elle l’occasion de réaliser, de prendre conscience de la nécessité de dire stop. De prendre les informations nécessaires sur les démarches à mettre en place pour se protéger au mieux. En physique ou à distance comme c’est le cas actuellement, elles expriment le besoin d’entendre d’une personne extérieure les précieuses « piqûres de rappel » : je vous crois, vous n’êtes pas responsable du comportement de l’autre, rien n’excuse la violence de quelque forme que ce soit, vous n’exagérez pas, vous ne le méritez pas, personne ne mérite cela, la loi punit ces actes. Le besoin également de favoriser la capacité à se projeter dans le futur, dans la vie sans violences, maintenir l’espoir. »
Chloé, Juriste
Le confinement a pour effet d’exacerber des tensions déjà existantes et la situation est très inquiétante pour les victimes qui se trouvent encore plus isolées du fait de cette pandémie. Cependant, nous ne lâchons rien et continuons toujours d’apporter le maximum d’informations et de soutien aux victimes avec lesquelles nous sommes en contact.
« La mise en place du confinement a resserré l’étau autour des victimes de violences, femmes, hommes, comme enfants en tant que co-victimes. En effet, pour certain.e.s, aller à l’école, au travail, faire les magasins, les courses, voir des ami.e.s… Etait un véritable échappatoire. Le confinement a eu pour effet de couper les victimes du peu de repères qu’elles avaient et de les enfermer à proprement parler avec leur auteur.
Depuis le début du confinement, notre activité a drastiquement diminué (toute thématique confondue). Nous continuons cependant de recevoir des demandes émanant de victimes de violences conjugales. Lors de ces entretiens, ont pu être abordés la difficulté de cohabitation avec l’auteur, la question de l’éloignement de l’auteur du domicile conjugal ou encore la question de la sécurité des enfants co-victimes et du droit de garde en cas de séparation des parents. Pour ce faire, et une fois les violences cernées, nous renseignons les victimes sur, par exemple, la mécanique du dépôt de main courante/plainte, sur les démarches de relogement ou encore sur l’ordonnance de protection (un point sera fait à ce sujet, vous pouvez, à ce titre, retrouver un zoom sur notre page Facebook). Nous n’hésitons pas à mettre les victimes en relation avec nos partenaires lorsque c’est nécessaire (CCAS, CSAO, avocat.e.s spécialisé.e.s en droit de la famille, police/gendarmerie…)
Notre Fédération Nationale nous a d’ailleurs mis à disposition des attestations de déplacement dérogatoire pour les victimes de violences conjugales qui devraient fuir de chez elles et/ou aller déposer plainte. Nous pouvons en fournir aux victimes que nous suivons en cas de besoin.
Nous essayons au maximum de communiquer sur les réseaux (Facebook + site internet) car le contact avec les victimes de violences est devenu bien plus sensible que d’ordinaire. Certaines d’entre elles préfèrent d’ailleurs privilégier le contact dématérialisé plutôt que par téléphone du fait de la cohabitation avec l’auteur.
Le confinement a pour effet d’exacerber des tensions déjà existantes et la situation est très inquiétante pour les victimes qui se trouvent encore plus isolées du fait de cette pandémie. Cependant, nous ne lâchons rien et continuons toujours d’apporter le maximum d’informations et de soutien aux victimes avec lesquelles nous sommes en contact. Notre équipe est toujours autant mobilisée en cette période pour les victimes, car elles ont besoin de considération, de moyens et d’actions, aujourd’hui plus que jamais. »
INFOS, LIENS ET RELAIS UTILES
Numéro du CIDFF d’Arras : 03.21.23.27.53
Mail du CIDFF d’Arras : cidffarras@orange.fr
Horaires du CIDFF d’Arras : Du Lundi au Vendredi, 9h-12h30 et 13h30-17h
Notre page facebook : https://www.facebook.com/cidffarras/
Notre site internet : http://pasdecalais-arras.cidff.info/
Des permanences sont entrain de se mettre en place au niveau d’Auchan Arras (avec plusieurs partenaires – initiative étatique) pour l’information et la prise en charge des victimes de violences. Plus d’infos à venir
RELAIS EN CAS D’URGENCE :
- 17 : Police secours
- 119 : Enfance en danger
- 3919 : Numéro dédié aux femmes victimes de violences (9h-19h)
- 114 : Numéro d’appel d’urgence pour sourds et malentendants, accessible en permanence par visio, tchat, SMS. Durant cette période de confinement, les victimes de violences peuvent s’en servir pour donner l’alerte par SMS
- 08 019 019 11 : Numéro d’écoute dédié aux auteurs de violences afin d’éviter le passage à l’acte
- 115 : Numéro d’urgence sociale afin d’obtenir des solutions d’hébergement d’urgence
- L’application « App-elles »: téléchargement gratuit, permet d’enregistrer un contact d’urgence, d’avoir des informations, de pouvoir donner sa localisation gps rapidement à un contact prédéfini…
- https://www.service-public.fr/cmi : plateforme de signalement en ligne des violences sexuelles ou sexistes (pour les victimes et les témoins)
LEXIQUE :
- L’ordonnance de protection est une décision du juge aux affaires familiales qui, par ordonnance, peut prendre des mesures visant à protéger une victime de violences conjugales. Elle s’applique à tous les couples, même séparés.
- La plainte est un mécanisme permettant à la victime d’une infraction de signaler les faits à la justice. La plainte peut aboutir à une sanction de l’auteur et/ou à la réparation du préjudice subi. Il peut se faire en commissariat de police, en brigade de gendarmerie ou directement auprès du Procureur de la république.
- La différence avec une main courante, c’est que cette dernière permet de dénoncer des faits dont on a été victime/témoin sans pour autant engager des poursuites à l’encontre de l’auteur présumé des faits. La main courante permet surtout de dater des faits et de noter leur nature.
- Il est aujourd’hui possible de déposer une pré-plainte en ligne : Il s’agit d’une pré-déclaration pour un fait de discrimination ou une atteinte aux biens. Après avoir pré-déclarer en ligne les faits, il faudra que la victime se rend en gendarmerie ou au commissariat pour signer sa plainte : https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr/
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